Lundi c’est Bayou. On attendait le guide devant une devanture de bar aux abords du French Market dès 10h du matin. Il y avait une famille d’asiatiques déjà sur place.
Un van tout déglingo s’est garé peu de temps après devant notre petit groupe.
On avait un peu peur de faire la visite avec un Safari Joe qui nous ferait son Jungle Cruise en agitant des saucisses pour attirer les crocos. On a donc pris une compagnie qui organise des tours du Bayou « écolos », faut comprendre « en kayak et sans nourrir la faune ». Eh ben pas déçu ! Mike était blasé de devoir répéter tout le temps les mêmes choses et utilisera systématiquement les adjectifs « ennuyeux » et « rébarbatif », dès qu’on abordera les consignes de sécurité. My man!
Malgré son cynisme rassurant, le petit chef de tribu a quand même lancé un petit tour des présentations. Les asiatiques ne faisaient évidement pas partie de la même famille comme le suggéraient mes préjugés gênants, deux d’entre eux, en couple, venaient de Shanghai, les autres, c’était une mère et son fils de Houston que Mike tentait de rassurer : leur ville était pas si pourrie qu’on le croit. Un couple bien propret de LA s’était rajouté ainsi que deux locales, une mère et sa fille.
Donc, le van, Mike, tout ce petit monde et nous-même prirent la route de la réserve naturelle du Machak. C’était notre seule excursion en dehors de la ville prévue, on était donc assez excités par ce qu’on voyait de la fenêtre du van, même si pour le gros du trajet on s’est tapé une route sur pilotis qui traversait, en ligne droite, vinght kilomètres de marécages. Il y a eu un arrêt station service pour récupérer les kayaks pendant lequel notre petite troupe a pu visité le shop plus ou moins exotique selon les provenances de chacun.
Arrivé à l’embarcadère on a attendu que le guide débarque tous les kayaks tout seul, pendant que le fils texan faisait des ricochets. Sa mère a voulu essayer un peu trop près des kayaks.
Évidemment, on va pas marcher dix bornes pour s’enfoncer dans le Bayou avant de poser les kayaks, donc on appareille très près de la route, à coté d’un pipeline, et on passe sous l’autoroute surélevée qui nous a amené là, impatients de ne plus entendre le bruit des bagnoles.
C’était l’hiver, alors la faune est pas aussi présente qu’au printemps ou en été, bye bye Gator!
Mais on a pu quand même faire notre première rencontre avec la flore. C’est finalement des arbres assez communs d’Amérique du nord, des cyprès, des tupelos, des chênes !
Mais ils ont la particularité d’être en partie submergés et recouverts du chiendent local, la mousse espagnole que les créoles appellent « barbe de grand-père ».
C’est ce qui donne aux paysages du Bayou cette allure un peu « filasse », chaque arbre y est recouvert d’une mousse grisonnante qui pend comme des barbichettes.
On a d’abord remonté une grande ligne droite en regardant zigzaguer d’une rive à l’autre les novices du kayak, puis pris un ou deux tournants en évitant le kayak de Houston fils qui s’agitait n’importe comment.
Là, Mike, le guide, s’est calé entre deux arbres un peu plus gracieusement que ne l’avaient fait les novices quelques minutes plus tôt, pour nous parler du coin. On a d’abord entendu des explications sur les arbres, les cyprès donc, pis les tupelos, comment ils vivent dans l’eau, etc… Dans le Bayou certaines des racines des arbres ressortent de l’eau comme des stalagmites sans que les biologistes aient jamais vraiment su pourquoi, mais ça fait son petit effet.
Dès que Mike s’arrêtait de parler un mec qui nous avait rejoint directement à l’embarcadère pointait son bras vers des branches en demandant quel arbre c’était. Et parce qu’à un moment j’ai eu le malheur de poser une question sur les tupelos, Francis l’arboriste s’est mis à croire que j’adorais ça, les tupelos ! Toutes les vingt minutes il m’en montrait un, et Mike infirmait avec un nom latin.
La deuxième pause fut plus sérieuse, puisque notre guide pas touristique du tout nous a expliqué non pas le système digestif des crocodiles, mais plutôt la situation écologique du coin.
Et vas y que la Louisiane perd, attention métaphore JT de 20h, un stade de foot de marécages toutes les 15 minutes !
C’est dû certes au réchauffement climatique mais surtout aux compagnies pétrolières qui forent au large et creusent des canaux pour acheminer tout leur bordel. La Louisiane est criblée de plateformes pétrolières (Deepwater Horizon et sa marée noire monumentale, yep, Louisiana’s own). Et comme aucune des solutions mises en avant n’incluent une ponction financière aux principaux bénéficiaires du chaos, ben faut pas s’attendre à ce qui se passe grand chose. Des questions ?
— Cet arbre-là ? C’est un tupelo ?
Pour se remonter le moral on a quand même eu la chance de voir un bébé alligator sur le retour. En hiver c’est pas banal visiblement. Alors… contents !
Ensuite, remonté dans le Van, tout le monde avait l’air heureux de son aventure. Tellement qu’ils ont acheté plein de chips trop épicées à la station service et offert la dégustation ! Yep, on était prêts pour vivre de grandes choses ensemble !