USA / Tramway et lutte sociale

On a ensuite repris le tramway sur l’avenue St. Charles, toujours plein de touristes qui rentraient du Garden District.
Au bout de quelques arrêts, la conductrice, certainement comme tous les jours à la même heure, ne prenait plus de nouveaux voyageurs. Trop plein le machin !
Mais le tram devant nous est tombé en panne, forçant le chauffeur à abandonner tout son équipage sur le quai étroit de l’avenue St. Charles.
Et là, tout d’un coup, notre pilote a du se prendre de pitié pour ce groupe de touristes blancs échoués au bord d’une des rues les plus riches de la Nouvelle-Orléans, et ce par 22 degrés ! Et hop que je te fais monter tout ça par-dessus mon tram déjà bondé. On s’est retrouvé donc bien serré, et croyez-y-donc-pas, le touriste privilégié, debout, n’est pas forcément des plus aimables en dehors de son environnement habituel, comprendre sa bagnole et sa banlieue.
Plutôt ronchon le papa menant sa petite famille à NOLA pour voir son équipe de foot favorite.

Un peu plus loin une habitante du coin, se voyant refuser la montée pour la quatrième fois ce soir-là, s’est mis en tête de nous poser un joyeux geste de désobéissance civile en se plantant devant le tramway.
Et vas-y que le papa et ses congénères lui gueulaient de dégager de là ! Je me suis demandé comment avait pu réagir le papa blanc il y a cinquante ans bloqué dans le bus de Rosa Park… Pas mieux je dirais.
Je peux pas vraiment donner mon avis sur le bien fondé du geste de la madame, alors qu’on a de toute façon pas pu entendre ce qu’elle disait depuis le fond du train, mais si c’est son quotidien que de travailler toute la journée au salaire ridicule que les gens de sa classe peuvent attendre ici ; et de se voir, le soir venu, refuser l’accès au transport public et donc à retrouver son logis avant la nuit ; et tout ça à cause de ces touristes qui ont certainement donné plus à la ville de Papeete après le tsunami qu’à la Nouvelle-Orléans après Katrina… Si ces soirées c’est ça, il me semble qu’à un moment, plutôt que de planter des balles de semi-automatique, comme le ferait un blanc, dans chacune des têtes de ces cons de vacanciers peu empathiques, je me planterais devant le 4ème tram de la soirée qui refuse de me laisser monter. Et de là, je réclamerais que les élus de la Nouvelle-Orléans s’assurent que les habitants dont les taxes et le labeur financent les transports publics puissent en bénéficier autant que les touristes dont le flot d’argent s’arrête aux bars et casinos sans jamais atteindre les infrastructures.

Bref, on est descendu quelques arrêts avant le nôtre pour voir que finalement, la madame, après les interventions pacifistes d’un employé de la RTA, puis d’un policier, avait finalement pu monter dans le tram.
Les touristes, comme nous, ont finalement abandonné en descendant du tram pour finir à pied. Il était dès lors difficile de continuer de lui refuser la montée, la madame avait gagné.

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