Je sais bien que j’ai choisi une destination qui n’est peut-être pas l’endroit idéal pour vivre le choc politique de ces fêtes de fin d’année. Mais finalement c’est peut-être pas si pire pour réfléchir. Il faut admettre que Las Vegas nous paraît un cauchemar parce qu’elle néglige la subtilité. Toute cette merde nous saute directement à la gueule, mais faut pas croire que les concepts utilisés ici ne sont pas imités partout où on va acheter une pair de tongues.
Las Vegas te fait vivre la vie d’un riche. Avec du faux marbre, on te fait chier dans de belles toilettes, on te sert ton burger dans une assiette à initiales pour te rapprocher de cet état tant convoité. Et comme le petit garçon dans la belle auto de papa, tu lèves la tête, tu bombes le torse et tu cherches le gain en jouant ou en achetant un truc trop cher. (Comme un Perrier par exemple…)
Mais ce principe-là, moins « vlan-dans-ta-gueule » est présent dans tous les centres commerciaux du monde ! Et depuis les termes romains on a toujours construit des palaces aux cons quand on a eu besoin d’eux. Avant le Forum du Caesar Palace, il y a eu la galerie Victor Emmanuel II à Milan et les grandes gares du XIXème siècle. T’es le roi mon Maurice, achète.
Ici tu vois des gens faire la queue sous un ciel trompe-l’oeil mal éclairé pour monter dans une gondole et écouter un canotier avec des lunettes Oakley chanter les pires tubes americo-italiens.
Pour toi ça fait pas rêver, t’as vu Venise de près mais pour eux c’est exactement ça, du rêve.
On te vend du rêve ! Et cette phrase nous paraît légitime, optimiste même. On l’évoque régulièrement sans la moindre critique. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ça revient juste à ne pas évoquer de raisons concrètes pour aiguiller ton achat. Tout ce qu’on évoque ce sont de vagues espoirs façonnés en fonction de ton profil. On te vend « ton » rêve. Tu vas te sentir plus puissant, les meufs vont te respecter, tu vas avoir l’air cool, tu vas « contrôler » ton destin. Et tout ça avec un baltringue qui fait des zigzags entre des volcans ou une connasse qui coure avec un parfum dans la main.
Or mercredi on a vu pour la première fois cette technique publicitaire faire élire le président du pays des pays.
Donald a rien expliqué. Il a juste promis que ce serait mieux ! Et là où les politiciens classiques s’obligent à détailler rationnellement les applications de leur promesses au risque d’embrouiller les electeurs avec des chiffres compliqués et pas franchement convaincants, Trump a pris le parti du vendeur d’elixir Lucky Luke : Ça va être génial, un truc de dingue, on va faire tellement mieux !
Une technique publicitaire qui définit donc le destin des générations futures? Ça fait peur, et comment c’est possible ?
Ce n’est en fait que le couronnement de la marketisation de la politique, l’avènement de la stratégie maintenant communes à toutes les industries et les gouvernements.
Plutôt que de créer des produits et demander aux marketeux de définir un message pour les vendre (leur job), on laisse les marketeux concevoir eux-même des produits (vraiment pas leur job) qu’ils seront plus à même de vendre. Au final, leur métier de marketeux est plus facile, les produits sont complètement inutiles voire dangereux et ces cons-là contrôlent maintenant ta compagnie.
Il suffit maintenant de remplacer dans cette phrase les produits par des lois et les compagnies par des pays, et t’as la politique mondiale de ces dix dernières années.
Finalement je suis quand même mieux à Whisky Pete’s, qui avec son Buffalo Bill Hotel en forme de grange rouge de 15 étages et son lobby « ville western » est resté figé dans le Las Vegas des années 90. Ce Las Vegas-là te construisait une tour Eiffel et des bateaux pirates pour te faire « voyager », il te racontait une belle histoire pendant qu’il te faisait les poches, il te flattait pas comme un vendeur de bagnole, c’était un bandit honnête quoi, pas politique.
Cadeau