France / diatribe

On a qu’une hâte c’est que cette crise nucléaire se finisse sans grand fracas et que l’on juge enfin cette civilisation occidentale qui, déçue par une population à la mentalité non pas stoïque mais disciplinée, se croit messagère de son information sacrée, seule avérée. Information qui outre-atlantique se veut systématiquement, et ce peu importe les canaux empruntés, sensationnelle…

Le téléspectateur allume sa télé vendredi pour voir le tremblement de terre de 9 sur l’échelle de machin, un record, et rien, pas même un immeuble effondré. Le Japon trop préparé assomme le sensationnel. S’en suit un gigantesque Tiramisu qui tue des milliers de japonais, décime des centaines de villes, mais les images ressemblent trop à nos inondations estivales… En plus aucune victime n’est occidentale, pas même une foutue liste de noms en fin de programme !

La catastrophe se déroulant dans un pays trop riche et donc trop préparé, on s’attend sous peu à retrouver les maigres évolutions de la crise nord-africaine, qui, il faut bien l’admettre nous lasse un peu.

Mais heureusement on a en conséquence une ‘crise nucléaire’. Un truc extraordinaire qui fait que les médias peuvent montrer autres chose que ces images monotones de secouristes bredouilles.

Alors cette ‘after party’ des agences de presse du monde entier doit prendre une ampleur formidable, il est hors de question de simplement écrire que ‘ici, au Japon’ on fait juste ce qu’on peut, ce qu’on doit. Ce serait revenir aux images bêtes de secouristes. Non ‘ici, au Japon’, le risque est toujours là, croissant, menaçant, revenez demain, ça sera pire !

Pourtant tous les scientifiques, spécialistes, chroniqueurs de merde le savent et le martellent, ce n’est pas un Chernobyl, on en est très très loin. Mais interrogés sur le fameux, le biblique ‘pire des scénarios’, hein, hein, hein ? Alors… Oui, le scientifique, loyal envers la vérité même déformée, acquiesce, le ‘pire des scénarios’ serait pire que Chernobyl sans avoir le temps de préciser : « comme toutes les catastrophes nucléaires ! ».

De la même façon on apprendra lors du prochain accident maritime que le ‘pire des scénarios’, pour ces derniers, dépasserait celui du Titanic. (On apprendra aussi que enfin, la presse ne nous bassine plus avec sa grammaire populaire et ses ‘scénarii’.)

Mais à ces médias, excusés par leur intérêt économique évident et qui transforment un deuil national en ‘feuilleton mondial’ (avec logo dans le coin de l’écran), voilà que s’ajoutent des institutions publiques internationales dites ‘nucléaires’. Elle se permettent elles aussi de commenter des informations vraies ou fausses, de sources publiques ou privées, vérifiées ou non, et donc d’ajouter à ce sensationnel médiatique le macaron ‘certifié expert’.

L’on voit même, et c’est cocasse, des chefs d’états, un seul en fait, celui dont le nom rime avec Kadhafi. On voit ce tout petit président, déjà raillé de par le monde, donner des leçons au gouvernement Japonais, à ses scientifiques, à ses médias, lui qui il n’y a pas deux mois observait impuissant son pays se noyer sous 10 centimètres de neige. Un autre, tout aussi critique du flux d’information, veut nous faire oublier qu’une crise nucléaire, avec fonte de réacteur celle-là, a frappé son pays bien avant Chernobyl et ce sans l’aide d’un Tsunami.

En fait, si l’on écoutait tous les discours disponibles dans notre langue, il faudrait que, comme nos civilisations débiles, les Japonais lèvent les bras et fuient, recourent à des ‘class action’ contre les ‘responsables’ de leur foulure de cheville, dénoncent un coupable avant même la conclusion de la crise et, enfin, contestent systématiquement les informations reçues sous pretexte qu’elles ne sont pas assez sensationnelles, dramatiques, apocalyptiques.

La communauté internationale, d’origine massivement chrétienne (on s’en mord les doigts mais c’est bien nos religions passées qui ont forgé nos moralités présentes), cette communauté ne comprend pas la réaction passive, retenue, de leurs homologues Japonais !

  • Ce sont eux les vraies victimes, et pourtant ils paniquent moins que Corinne et Jean-Claude, Paris 18e.
  • Ce sont eux les vraies victimes et ils ne cherchent même pas un ingénieur à pendre !
  • Ce sont eux les vraies victimes, et ils prefèrent pleurer leurs morts plutôt que de défiler contre le nucléaire.
  • Ce sont eux les vraies victimes, et ils s’en contentent.

Comme toujours l’occident, étouffé par une liberté si abordable qu’on la traite comme une ‘qualité de vie’, confond discipline avec soumission, réflexion avec inaction.

Bref, la piscine, finalement, était bien remplie, le courant sera certainement rétabli avant dimanche, on voit même Le Monde.fr encourager les internautes à rester inquiets sans évoquer l’apocalypse.

La crise touche à sa fin, la Bible, encore une fois, s’est trompé et on va pouvoir enfin écouter le fils Kadhafi.

On va pouvoir aussi juger notre civilisation blasée, digne des Romains au cirque qui, face à une tragédie mise en scène, se cachaient le visage en écartant bien les doigts.

< on ne nous dit pas tout. Yahoo! >
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