Ca fait 110 jours que je suis dans le Projet#202, dans la chambre 202, Oji House, Toshima, Kita-Ku, Tokyo, Japon. Et même si dans quelques heures, je serai toujours au Japon, que j’ai encore deux nuits à y passer, et des bons moments, la plus grosse entreprise de ma vie est finie. Ca fait à peu près 14 mois qu’Antoine m’a expliqué que c’était facile de travailler au Japon, de se loger au Japon. Le projet a bien évolué, je voyais ça plus long, je voyais du travail aussi, bref ce sérieux ambitieux qui me définit si mal :)
Finalement je suis resté moins de quatre mois, je n’ai pas travaillé, je n’ai vu que Tokyo, et Kyoto pour un jour.
J’ai quelques regrets, celui d’avoir obtenu le seul visa Vacances-Travail que le gouvernement Japonais ne me délivrera jamais pour ne finalement pas l’exploiter, et le fait de m’être cassé le pied. Le pied, ça a légèrement atténué l’euphorie du Japon, ça m’a aussi fait économiser de l’argent, ça m’a permis de développer plus sérieusement le site du projet. Je suis content d’avoir vécu mon séjour comme je l’ai vécu, je pense que sans le pied, tout m’aurait lassé plus vite, l’argent serait parti plus vite aussi.
En arrivant, chaque jour passé me terrifiait, parce que j’imaginais la déchirure que serait le départ, je m’imaginais un mois avant la fin, comptant déjà les semaines, les jours et redoutant chaque couché de soleil. Finalement, après le départ de Marie où il me restait ce dernier mois fatidique, j’avais très envie de rentrer.
C’était dû à cette « réunion familiale » qui m’a rappelé plein de trucs et ce sentiment s’est atténué par la suite, mais je savais que je ne compterai plus les jours par appréhension.
Je suis vraiment content de rentrer, juste triste de partir, de laisser tout ça derrière. Parce que même si je compte bien revenir d’ici deux ou trois ans, ça sera jamais évidemment pareil. J’ai adoré Oji, j’ai adoré vivre là en 2005, et qui sait ce que sera Tokyo dans plusieurs années… Certainement bourré de Gaijin !
J’utilise le mot Projet, pas pour valoriser la chose, c’est tout simplement moins long que « passer plusieurs mois dans un pays juste comme ça pour voir » et puis parce que ça englobe le site, et tout ce que j’ai pu écrire sur le vécu d’ici.
Pas vraiment été tendre avec mes hôtes, c’est vrai, mais ils n’en ont jamais souffert, et puis sans cette candeur sarcastique, les aurais-je vraiment observés aussi objectivement ? Non. Je les aurais excusés au début, puis détestés ensuite, pour finir par ne plus les calculer, les laisser pâlir dans le décor.
J’ai préféré les prendre pour des cons (chargé d’à-priori justement mérités), isoler toutes leurs conneries qui m’amusaient, puis comprendre leur pourquoi. Ensuite, il en résulte le modeste rapport que j’ai tenté d’écrire sur eux. Et puis il en résulte cette satisfaction personnelle difficilement partageable, cette impression de n’être pas venu pour rien, de repartir en sachant que je les défendrai toujours, eux et leur passé ; pas parce qu’ils ont raison, mais parce que j’ai pris le temps de les comprendre et de les excuser par la même occasion.
(pas beaucoup de civilisation que je défend hein…)
J’ai envie d’en voir d’autres des pays, sans trop en excuser quand même… Et c’est pas une idée de gamin qui vient de faire son premier tour à cheval et jure de finir Jockey, je prête pas serment c’est tout. J’ai juste envie d’aller ailleurs pour un nouveau projet, ça durera ce que ça durera, et je pense bien que l’idée d’un autre viendra ensuite.
Alors voilà, je clos le Projet, il n’y aura plus d’entrée,il n’y aura plus de Roll, comme il n’y aura plus de couché de soleil à Oji, plus de Pepsi à 100Y, plus de mélodie à la con à 17h, plus de Combini en pleine nuit, plus de chou creme, plus de trains bondés, plus de Konichua d’une vielle voisine, plus de tout ce qui fut ces milliers de détails innommables qui, dans mes souvenirs et conversations, seront bassement résumés par « Le Japon ». Alors pour moi, comme ça, j’ai voulu que pendant quatre mois on les appelle, et tant pis s’il n’y a eu que moi, « le Projet#202 ».
GENERIQUE !