Évidemment que c’est extraordinaire, évidemment que ça n’égale aucune visite déjà vécue. Même si je pense vraiment qu’il faut monter une des deux montagnes pour apprécier de haut le spectacle de cette « cité » évoquant le Puma, le Condor et le Serpent (la rivière) qui glisse au pied de ces pics tropicaux.
Mais commençons quand même par ce qu’il y a derrière la carte postale.
Alors déjà tu montes dans ton train qui, peu importe la classe ou plutôt le degré de fausse aventure, te joue une musique péruvienne aux consonnances un peu dance. Personne regrette ocarina of time !
Ensuite faut reconnaître que grâce aux larges fenêtres du Vistadome, tu peux pleinement apprécier la végétation changeante qui passe d’une vallée assez verte à une jungle très fournie.
Dès que tu descends du train, tu marches vers une station de bus mystérieuse située de l’autre côté de la rivière de la cauchemardesque Aguas Calientes sur laquelle on reviendra bientôt.
En fait il n’y a qu’une route empruntée par les bus et donc visiblement un seul moyen d’atteindre (sinon à pied) l’entrée du Picchu !
Queue pour acheter ton billet de bus, queue pour monter dans le premier de la file interminable qui longe la rue et ensuite montée tendue sur une piste en terre avec une vista incroyable chaque fois que les zigzags du bus alignent ta fenêtre sur la montagne d’en face — que l’on aura dépassé 25 minutes plus tard.
Débarquement devant le contrôle des billets/toilettes/restaurant $x4 et petite grimpette entre amis (657) jusqu’à l’entrée du site où chacun est libre d’aller un peu où il veut à la rencontre de pierres ou de lamas importés là pour nous dans ce milieu si différent de leur habitat naturel.
Et à partir de là, à part ces lamas nourri au Snickers, il faut reconnaître que le site ne déçoit pas. Du fait de la main-mise des agences de voyage et autres acteurs touristiques qui craignent une seule chose : qu’on n’ait pas besoin d’eux ! Grace à ceux là, il n’y a pas vraiment d’indications ou d’explications muséologiques, ce qui laisse donc tout ça assez vierge si ce n’est quelques passages interdits et deux-trois mecs déguisés en Patrice Lafond-Fort Boyard qui sifflent dès qu’un badaud enjambe une cordelette ou mange un sandwich.
Je pense que le derrière poisseux de la carte postale s’arrête donc là, dès qu’on voit apparaître sa première ruine et s’éloigner l’entrée.
On a choisi de faire la montagne Machu Picchu, c’est à dire une montagne en face du site (500m de dénivelé) à ne pas confondre avec Waynapichu qui le domine et permet de voir ce que, à grand renfort de terrassements et autre façonnages de panoramas, les Incas voulaient voir : un condor, un puma et un serpent.
On en a bien évidemment chié comme un français en Chine sans smecta, mais pleine satisfaction après avoir grimpé des escaliers 5 fois centenaires sans parapet (est-ce la peine de le préciser) plongeant sur 800 mètres d’un vide tapissé d’une végétation à la Kippling. Et de voir à travers le rideau mouvant des nuages, apparaître, pour quelques secondes seulement ou 5 minutes, la superbe, la perdue, la cité des Incas.
En haut, une quarantaine de cons perchés sur un sommet bien étroit. On est resté quelques minutes à la pointe populée mais curieusement assez peu de gens, après avoir craché tous leurs poumons pendant une heure et demie, ont envie de contempler en silence le Machu Picchu qui cette fois-ci s’était pleinement découvert.
Non, ignorant le panorama comme la fresque d’une mauvaise pizzeria, ils se passaient du jambon, racontaient leur trajet de train ou échangeaient sur leurs lieux de vie respectifs (quand t’es américain tu adores ta ville natale, mais pas autant que celle de ton interlocuteur que tu complimentes de milles onomatopées, la bouche bien ouverte).
Bref, on a vite glissé un peu plus bas pour contempler en silence la vallée et, entre deux nuages, ce pour quoi on était monté.
C’est n’est pas que pour lui qu’on est au Pérou. C’est même presque décourageant tout le bordel incontournable qui tourne autour de la préparation à la visite de ce site. Mais c’est l’allégorie parfaite de ma raison à moi, la raison qui m’a poussé à abandonner mon mode de tourisme habituel pour adopter celui expérimenté ici.
La finalité.
La finalité c’est de se retrouver en face d’une péruvienne en tresse et chapeau qui ramasse des patates. De sillonner des pistes montagneuses dans des les minibus bringuebalants qui mènent le quotidien de ces péruviens qui ne parlent jamais trop fort, ne regardent jamais trop loin.
C’est de remonter des marchés au mille étals déballés à même le sol où ne manquaient finalement que des normes d’hygiène (même basiques) et quelques légumes verts.
C’est de remonter des chemins où l’on ne croisait que des enfants avec sur le dos, suivant leur classe sociale, un cartable ou une brassée de bois.
C’est de voir ce que le ministère du tourisme n’a pas mis dans sa brochure et aussi d’accepter qu’ils ne vivent pas comme toi. Et je parle pas juste de laisser la porte ouverte mais bien du confort quasi inexistant de leur classe moyenne.
Bref, c’est de passer un mois dans un pays nouveau au décalage culturel et social. Tout ça on ne peut pas le faire depuis un bon hôtel et en valise à roulettes…
On en a vu des tours opérateurs qui te font vivre leur Pérou en 10 jours. On l’a même fait l’espace d’une journée. Ils les trimballent, leur clients, d’hôtels en hôtels, de bus en bus, de villes en villes, de temples en temples.
— 30 minutes sur site. Dépêchez-vous s’il vous plait.
Ces deniers reviendront finalement plus crevés que nous et avec une image du Pérou encore plus fausse que celle qu’ils avaient auparavant.
La finalité c’est donc aussi de voir le Machu Picchu depuis sa « montaña » en oubliant la sueur sur son t-shirt pour se dire que cette montagne verdoyante encerclée par la rivière et portant sur elle des murs oubliés pendant 400 ans, ainsi que son condor et son puma ne pouvait pas s’apprécier d’en bas, du bus, du taxi, du confort si rassurant que j’associais, que j’imposais aux voyages.
En bas tourbillonnaient des dizaines de groupes suivant un petit drapeau. Ils n’auront vu rien de plus que des cartes postales animées avant de retrouver leur maison et leurs idées inchangées.
Mais nous on était là-haut avec derrière nous la quasi totalité d’un périple qui aura réajusté beaucoup de choses, et dans nos yeux le manège gigantesque du ciel, des montagnes et des hommes (qui n’avaient plus de jambon).