Je suis dans un train américain. Tous les passagers et leurs litres de café vibrent comme pris d’une crise de paludisme généralisée.
Le train aura été l’une des rares nouveautés de ce voyage à New-York. Je ne sais pas ce qui me ramène toujours aux premières fois, mais seul, sans l’influence des inclinaisons de gens m’accompagnant, à New York ou à Tokyo, je me recale instinctivement dans les tracks formées par mon premier passage. Celui de New York date de 97.

C’était une chambre juste au-dessus de Time Square, surplombant la 7ème avenue. Au levé du jour tu pouvais voir une rivière de minuscules taxis jaunes rouler vers le sud. En face, l’affiche gigantesque de Cats bouffait les 5 étages d’un vieil immeuble pour te rappeler ou t’étais. Et dans la salle de bain ou sur le lit d’à côté, mon père avec qui je ne me retrouverai plus jamais seul aussi longtemps.

Il y avait des restaurants à thème dans le même block qu’un sex shop, et sous une pile de cartons tu pouvais deviner le pied d’un clodo. Disney venait tout juste de racheter l’Amsterdam Theatre et commençait le programme immobilier qui transformerait ces 6 blocs percés par Broadway en parc d’attraction Vegasien.

Alors comme avoué plus haut, c’est toujours vers cette expérience-là que je me tourne, un hotel près de Time Square, et des promenades quotidiennes sous les LED de pubs démesurées et les marquises des théâtres de Broadway où se jouent les nouvelles et les anciennes comédies musicales. Cette fois j’ai voulu comparer l’ancien Broadway et le nouveau.

Le premier acte, c’est une comédie musicale dans son genre le plus ringard : l’adaptation. Attention, pas l’adaptation d’un livre comme “Les Misérables”, ou d’un Disney comme “Le Roi Lion”, non, l’adaptation d’un film lui même adapté d’une pièce, et pas n’importe lequel: « Il était une fois dans le bronx (A Bronx Tale) » réalisé par De Niro en 1990.
Doit pas être le carton du moment vu le rabais de 40% offert sur premier rang, mais ça a fait pas mal de bruit quand c’est sorti en 2016. Alan Menken (Little Shop of Horror, Little Mermaid, Sister Act) faisait la musique et De Niro co-réalisait.

Donc yours truly, pas peu fière de sa belle affaire, se retrouve le menton dans la scène à regarder scintiller les postillons de l’une des plus vieille institutions artistique du continent: The Musical!

C’est difficile d’imaginer l’influence du film quand toute cette bande de joyeux truands chante et danse sur scène avec ce sourire tellement significatif de la fausse joie de vivre États-Unienne. Mais j’y suis, j’ai choisi, et je suis tellement prêt de leurs jupes et braguettes qu’il serait ingrat de ne pas analyser la performance.

Surtout que si on observe de prêt ce sentiment de supériorité ressenti par tout européens devant les claquettes et les lancés de genoux d’un Jean Valjean ou d’un parrain de la mafia, si on s’interroge vraiment sur les raisons de notre dénigrement, on réalise vite qu’elles ne sont pas vraiment fondées.

On met en avant Beaumarchais ou Rossini en oubliant le trames des pièces du premier et des adaptations musicales du deuxième. Le Barbier de Séville ou le Mariage de Figaro c’est quoi si ce n’est une comédie de boulevard bien chantée ? Des portes qui claquent, des amants dans le placard ou sous le balcon, et le barbier, symbole du peuple qui se gaussent de ce beau monde bien habillé. Je parle même pas de nos grands héros: Molière et Guitry. On est en plein dans le Vaudeville, et c’est ce genre-là qui dominera et vaincra. Le genre de l’ouvrier payeur qui préfère se moquer de sa classe dirigeante plutôt que la regarder défier son père pour mieux baiser sa mère, tout ça dans un français tellement ampoulé qu’il sonne comme le plus élitiste des patois.

— Ma vengeance est perdue s’il ignore en mourant que c’est moi qui le tue. Andromaaaaaaaaaquue!

Bref, après cette mise au point sur l’arrogance infondée des européens, je retourne dans mon siège, le cou tiré vers les entre-jambes de ces acteurs de seconds rôles, qui pour certains m’évoquent vaguement l’un des suspects dans une séries policière bidon.
Faut quand même reconnaître que leur jeu est parfait. De si près tu peux voir toutes les expressions faciales, et elles sont bien là. Même quand l’attention s’est portée sur le gars d’en face, machin continue de jouer de ses lèvres et de ses yeux l’émotion mise en pause par la réplique du voisin.
D’une scène à l’autre ils changent de costume et de personnage, ils jouent des pères, des fils, des passants, des flics. Ici des chauffeurs de bus sacrifiant toute une vie pour le future de leur marmots. Et aussi ces voyous qui séduisent et chaperonnent ces mêmes marmots. Tout ça entre deux chansonnettes rigolotes !

Les américains savent jouer, enfin en tout cas leur acteurs ! Et Broadway c’est un peu le bouillon où naissent et meurent, éclosent et fanent, stagnent dans l’ombre aussi, les meilleurs talents théâtraux de la planète. Rien que pour ça, ça vaut le coup d’aller se coller dans leurs genoux un dimanche après-midi. Ça vaut le coup d’aller observer les rictus parfaitement ajustés de la star montante à l’avant scène ou du cinquantenaire inconnu derrière elle qui n’aura jamais rien percé d’autre que ses souliers.

Je ne sais pas si c’est l’admiration sincère que le pays éprouve pour la profession où l’absence d’institutions ringardes comme notre Comédie Française pour qui l’acteur doit caricaturer l’humanité plutôt que de la retranscrire humblement. Mais ici on a une attente pour le jeu réel, pour la transposition quasi-parfaite des expressions et du parlé de l’être humain. Ça tient peut-être plus de l’anthropologie que de l’art, mais le fait est que n’importe quel danseur de deuxième plan d’une comédie musicale New-Yorkaise jouera toujours mieux que Francis Huster, et ça, ça mérite le respect.
Oui ils donnent à leurs théâtres des noms de dramaturges classiques comme Eugene O’Neil et foute “La Reine des Neiges” dedans, mais ils sont dans le vrai dans leur quête naïve de l’expression populaires. Moi j’aime ça.

Pour le deuxième acte, j’ai transgressé ma nostalgie complaisante pour découvrir la nouvelle scène New-Yorkaise, celle immersive où le spectateur est plongé avec les acteurs dans l’Hotel entrepôt de Sleep No More. L’attraction perd un peu de vitesse pour les locaux mais reste l’arrêt incontournable pour l’intelligentsia touristique européenne.

– Comment ça t’es pas allé voir Sleep No More ?

C’est sans spoiler que de dire que Sleep No More n’est pas du théâtre immersif mais bien de la danse immersive. Et l’immersion est totale si tu te prends au jeux des dizaines de spectateurs qui cours après les acteurs comme des nuées de moineaux.

La promenade est délicieusement lugubre, les pièces sont nombreuses et parfois immenses, il n’y pas tellement de portes que tu ne peux pas pousser. Et parfois, rarement au début, plus souvent après, tu tombes sur des comédiens en pleine performance. Autours d’eux, dix personnes si t’es chanceux, sinon une vingtaine de curieux près à déguerpir si les acteurs décident de transporter la scène un peu plus loin.

Évidemment qu’il y a des moments un peu plus personnels: quand t’as décidé de pas courir, quand t’es resté avec ce personnage qui paye pas de mine et finit par faire un truc extra-ordinaire. Mais ma deception personnelle vient de l’absence de voix. Je m’attendais simplement à du théâtre et pas de la danse. Je m’attendais à tomber sur des discussions violentes et personnelles au détour d’un couloir et qui, mises bout à bout, de personnages en personnages, de pièces en pièces, de cris en cris formeraient une trame incomplète mais mystérieuse. Je m’attendais aussi, comme dans le « bronx » trois heures plus tôt, à vivre ses moments de jeu d’acteur à quelques centimètres des comédiens, mais encore une fois, je n’ai vécu que des moments de danse muette. Des ébats par la danse, des combats par la danse, des viols par la danse, des meurtres par la danse… Difficile de ressentir le mal-être si souvent évoqué de Sleep No More quand tout ce que t’entends ce sont des chaussures raclant la terre battue et des corps qui s’empoignent. J’étais, à ma grande déception, pas si loin de la « Musical » de l’après midi (en moins rigolo quand même).

Mon meilleur moment restera la descente d’un long escalier lugubre, seul, alors que je venais d’abandonner un personnage devenu trop populaire. J’avais parcouru la moitié des marches quand survient face à moi un couple de comédiens main dans la main. Ils me regardent comme la mort, leurs yeux m’avalent tout rond alors que je m’écarte pour laisser passer cette apparition. Il faut que je les suivent, ils m’ont envouté… ben c’est sans compter avec les vingt-cinq couillons qui jouent au petit train derrière depuis vingt minutes. Ma présence en haut des marches vient de leur coûter les premières loges et ça se ressent… J’ai bien soutenu le fight des groupies pendant plusieurs minutes avant de croiser un autre acteur que ne suivait pas tout un pays.

Ça s’apprécie sûrement en plusieurs fois, on imagine pas qu’Emursive ait désigné l’expérience pour que l’on s’en lasse en une seule fois. Et puis c’est pas plus mal, ça se suit et se redécouvre comme une série ou un tableau mais tout le monde ne vit pas à New York, tout le monde a pas non plus le budget pour y retourner. Et pour ceux-là, les moments wouaou, mise à part la finale vraiment prenante et heureusement immanquable, risquent de se limiter à une ou deux scenettes. En espérant que l’ambiance Fight Club Black Friday ne les détourne pas trop vite d’un potentiel “moment”.

Une journée en deux actes donc ! Le premier un peu ringuard mais bien rodé et le deuxième plus innovant et donc encore maladroit. Mais on peut déjà deviner ce que sera le genre survivant du théâtre immersif, celui que nos arrières petit-enfants déposeront sur le piédestal du bon goût.
Ça sera sûrement dans un hotel aussi. Des actrices agripperont leurs jupes en dévalant des escaliers et derrière elles, à la traîne, une foule de spectateurs hilares encore grisée par la tête du cocu laissé dans la pièce précédente et pressée de voir qui détroussera la baronne dans prochain couloir.

La France a perdu sa gauche il y a cinq ans, et ce soir elle vient de perdre sa droite. Et personne n’est vraiment déçu. Car ces deux mots s’appliqueront bientôt aux nouveaux mouvements qui émergent de cette élection. Faudra bien que l’un et l’autre s’assoient quelque part dans l’hémicycle.

Comme beaucoup de Français, je rêve d’un spectre politique digne de la France. Avec d’un côté une droite qui prône une politique libérale dans une société humaniste et progressiste, et de l’autre une gauche qui avance des idéaux sociaux, écologiques et remette en cause nos institutions émasculantes. Bref, je rêve de râler le matin contre un ou une président.e qui veut faire travailler le dimanche et non pas contre un ou une président.e qui dénonce des Français moins dignes que les autres. Quand mon candidat perd les élections, je veux juste avoir les boules et pas la trouille.

Évidemment, Marine Le Pen (dont personne n’oubliera le nom de famille, je peux vous l’assurer) continuera d’incarner tout ce qui pour moi n’est pas de la politique. Qu’elle continue avec ses 2 députés (peut-être 4 cette année) à parler des frontières, du Franc, des mosquées, de ses ancêtres les gaulois qui n’auraient pas soutenu le mariage pour tous etc… Si ces thèmes rallient encore certains Français, alors les Le Pen et l’extrême droite ont leur place dans notre démocratie, c’est la vie.

Ce que je souhaite demain, c’est bien la fin du Mouvement UMP post-Chirac, Les Républicains de Sarkozy qui pensaient défaire le Front National en séduisant son électorat. Ce que je souhaite c’est la mort d’une droite rétrograde qui continue, devant des millions de spectateurs, de remettre en cause les aptitudes d’une journaliste au retour de son congé maternité. Cette même droite, qui lui aurait reproché d’être une mauvaise mère s’il elle n’avait pas pris ce congé : elle me saoule !

J’ai plus envie de la voir. Aucune mère, père, frère, fils, fille ne tolérerait qu’un vieux con parle à sa fille, sa soeur, sa mère comme-ça.

Si ça te prend pas au tripe ce genre d’humiliation patriarcale, alors tu n’a jamais vraiment écouté une femme d’aujourd’hui ou tu es tout simplement d’une autre génération, de la génération qui a grandi dans une autre France où les femmes au volant, c’était encore nouveau.

Et même si le programme de François Fillon ne présente aucune mesure inspirée par ses remarques archaïques (à débattre), tolérer ou souhaiter un président qui porte, même personnellement, ce genre de jugements, ça suffit pour freiner un progrès social indispensable à notre pays.

Bref, cette droite qui estime encore ajourd’hui qu’on ne peut pas être ET une bonne mère, ET une bonne journaliste/medecin/avocate/… ;

Cette droite qui veut nous faire croire que la colonisation n’est pas une leçon pour les générations futures mais juste une maladresse bien intentionnée des générations passées ;

Cette droite qui pense que de faire ses études en France, de travailler en France, de participer à la vie politique, scolaire et sociale française ne suffit pas forcément à rendre digne de la protection de l’état, si on ne renonce pas à ses différences « ostentatoires », et donc à soi-même ;

Cette droite-là, qu’elle dégage !

Bien sûr c’est encore tôt pour se réjouir. Difficile de vraiment prévoir ce que va devenir les UMP. Ils grimaçaient péniblement aux côtés de leur François jusqu’à ce soir, mais dès demain, ils vont pouvoir penser à Juin et à leurs sièges à l’assemblée. Les résultats dans leur circonscription et leur position actuelle dans cette dernière vont forger les candidatures de En Marche des législative. Alors on pourra peut-être vraiment conclure à la future et salutaire disparition de la droite post-Chirac.

En attendant, on peut encore espérer un gouvernement digne et une opposition digne.

Je souhaite un Macron à droite qui débatte avec un Mélanchon à gauche et des extrêmes qui agitent leurs bras derrière, et le plus longtemps possible jusqu’à ce qu’émerge le clivage droite/gauche qu’on mérite. Un clivage qui s’affronte sur les moyens d’animer la France mais jamais, plus jamais, ne remette en cause la qualité de ses acteurs, de ses femmes, de ses hommes, de ses immigrés, de ses ouvriers, bref, de ses citoyens.

Beaucoup de badauts, comme pour chaque première manche des présidentielles se demandent si ça vaut le coup de voter pour un candidat qui, visiblement, ne passera pas le premier tour. Bref, faut-il céder à la pression du « vote utile ».

Cette élection est déjà sans précédent. Non seulement les candidats des deux grands partis historiques — les anciens défendeurs du vote utile — sont en position de faiblesse par rapport à, d’un côté le nouveau parti vide de Macron, et de l’autre le vieux parti familial des Le Pen qui pour la première fois est quasi assuré d’être au deuxième tour.

Étant donné les infimes chances de gagner ce duel ultime pour notre poissonnière nationale, cette élection va se jouer au premier tour.

Autrement dit, peu importe qui part en face de Marine sera le prochain président de la république (et son nom rimera avec ballon).

Ça c’est pour le contexte, mais la réflexion quand au choix de ton vote du premier tour n’est pas vraiment différent des fois précédentes. En fait si ton champion est Mélanchon ou Hamon ou Fillon ou Dupont, pourquoi choisir de censurer ton vote ? Peu importe que ton candidat ne se rende pas au deuxième tour, son pourcentage au premier définira l’influence de son programme, de ses idées et la place de ses militants dans la politique future de la France.

Si ton champion c’est Hamon ! Votre pour Hamon. S’il fait un score honnête, il restera le visage du PS pour les 5 ans à venir et tu n’auras plus à voir la gueule de Valls et Montebourg ! Le but des Valls et des Montebourgs (que tu peux pas blairer si Hamon est ton champion) c’est évidemment que Hamon se plante bien comme il faut pour récupérer le PS après le 7 mai. T’auras droit à un bon « on vous l’avait bien dit » et ta gueule, rentre à Clichy.

Si ton champion c’est Fillon, vote pour Fillon. Si tu penses que Sarkozy et Juppé ne représentent pas la droite qui te ressemble alors le meilleurs moyen de faire de Fillon le nouveau chef des Républicains et d’enterrer Sarkozy pour de bon, c’est de lui donner un score conséquent au premier tour. Parce que si Fillon se ramasse, c’est la même que pour la guerre des roses, Sarkozy revient direct.

Si ton champion c’est Mélenchon, mais alors bon dieu, vote pour Jean-Luc ! Le meilleur moyen de s’assurer que sa vision de la politique continue d’influer sur le futur de la France c’est de lui donner des pour-cents dès le 27 avril. Sa voix portera encore longtemps. On s’assure que sa France insoumise restera importante dans les cinq prochaines années et qu’il sera à nouveau candidat dans 5 ans.

Le but des favoris des sondages, d’une Le Pen, d’un Macron c’est que tu abandonnes ton champion et que tu vendes ta voix au futur gagnant. Ainsi ton petit candidat et son mouvement mourront sous l’humiliation de ses 5%. Manu et/ou Marine pourront récolter plus de sièges à l’assemblée et ignorer les plaintes distantes de ces anciens petits candidats que TF1 n’invitera sûrement plus. Ils pourront gouverner seuls sans concession avec tes idées, celles que tu retrouvais dans ton champion.

Les hommes politiques font des calculs, mais nous en tant qu’électeur on ne peut pas se permettre de jouer à ce jeu-là. On soutient pas le futur gagnant, on attend pas un portefeuille au ministère ! Ce que l’on veut, en tant que citoyen, c’est une écoute de nos positions, et quoi de plus efficace que de faire remarquer le candidat qu’il les exprime le mieux, sur la seule scène légitime de notre république obsolète ?

Et n’oublions pas une chose, si Macron obtient beaucoup dans les sondages c’est avant tout que les sondés ne sont pas emballés par les autres. Il est leur « moins pire », mais ça ne veut pas dire qu’il vont se déplacer pour mettre son bulletin dans l’urne le 27. Toi par contre, tu as le pouvoir de le faire et qui sait, de changer le duel du deuxième tour.

Bref, si tu veux pouvoir revoter pour ton champion aux législatives, dans les années qui viennent et qui sait au deuxième tour : le 27 avril, vote pour ton champion !

Et le 7 mai, ben il y a de forte chances que tu votes contre Marine, ça sera pas la première fois…

https://youtu.be/kfdjFNZ3FeI?t=26s

Mardi soir, lors de la cérémonie des SAG Awards dont on a pu découvrir l’existence à l’occasion, l’acteur de Stranger Things, David Harbour a utilisé son temps de micro pour dénoncer le Muslim Ban de l’autre teubé.

Jusque-là, si ce n’est ce petit animal apeuré qui s’est invité à côté de l’acteur, tout va bien, on écoute une défiance politique qui dans ce genre de cérémonie est tellement plus distrayante que la liste monotone de mecs qu’il a jamais croisés.

Et le discours est vraiment chouette ! Bon c’est un acteur le gars, il y met le ton, et son texte bien écrit est emmené par une colère sincère tout juste exacerbée par son artisanat. Mais ce qui m’a choqué, c’est qu’au moment où il rugit son « punch in the face — frapper au visage » (1:47), c’est là que tout le monde se lève, jette les bras et hurle son approbation !

Ce qui m’a choqué c’est que c’est, moi aussi, à ce moment-là que j’ai le plus « vibré ». Pis j’ai vite reposé mon café en me souvenant d’autres images très similaires, celles des meetings de Trump.

Nous ne sommes pas meilleurs que les déplorables, nous aussi vivons une injustice et sommes prets à recourir à la violence. Comme endeuillés par une tragédie inhumaine, on a envie de se battre, d’en découdre avec tous ces connards qui méprisent ouvertement ce qui, on s’en rend compte, nous tient à coeur !

nW2E1sPÀ l’investiture de DJ Trompette, le nationaliste blanc Richard Spencer s’est fait « punched in the face ». C’est pas un geste de défense hein, c’est bien un suckerpunch qu’on qualifierait de lâche si la victime était pas un Justin Bieber néo-nazi.

Pourtant on a tous partagé le gif en se disant qu’il méritait même un petit machoir-trottoir à la American History X. Et pour la première fois, beaucoup des détracteurs de Trump et de la violence en général ont défendu le geste.

Ajoute à ca quelques tweets du genre :

 

Puis enfin le discours d’hier soir et c’est comme si ce « punch in the face » devenait au fil des premières journées de sa présidence un cri de ralliement pour une certaine partie du mouvement anti-Trump.

Mais enfin et je prends ma voix de maman : On punche pas in the face ! On appelle pas aux armes, on crie pas à la lanterne (wink wink) ! Pas encore !

Depuis vendredi, les élites tant décriées par Trump et ses électeurs mettent tout en oeuvre pour combattre légalement, pacifiquement l’hérésie Trump. Des avocats se ruent dans les aéroports américains pour aider légalement les victimes du ban, des donations par milliers de $ son versées à la ACLU, plusieurs députés démocrates préparent des textes de lois pour contrer le ban.

La guerre des institutions vient à peine de commencer, la violence n’a pas encore sa place de ce côté du débat. Surtout pas le jour où d’innocents canadiens, musulmans évidemment, sont victimes d’une violence raciale cette fois-ci meurtrière.

Et si, aux USA, comme ailleurs, ce long combat légal contre un gouvernement légitimement élu mais inhumain doit mourir trop tôt, si leurs calculs gagnent sur la justice alors peut-être bien que la violence restera la seule arme. Et alors qu’à cela ne tienne on entonnera les champs guerriers en renonçant de pleine conscience  à une transition pacifique et aux institutions qui selon notre sentiment légitime ne nous protègeront plus.

Qu’à cela ne tienne on choisira la violence, on fera la révolution, et on revisionnera sans retenu l’appel au « punch in the face » de David Harbour, mais en attendant restons intelligents, pondérés, éloquents, pacifistes et citoyens, ça peut faire mal aussi.

Valley of Love : Huppert + Depardieu.

L’histoire d’un couple de stars françaises divorcé et dont le fils récemment suicidé a envoyé une lettre à chacun de ses parents pour qu’ils se retrouvent dans la Death Valley dans l’espoir, tenez-vous bien, de l’y revoir une dernière fois. Évidemment ça nous a un peu donné le thème de la journée.

Depardieu et Huppert dans la Vallée de la Mort c’est comme si les deux chefs de l’état d’esprit français s’étaient rendus là-bas. Ils s’engueulent, ils se plaignent, ils se cachent derrière une froideur condescendante dès qu’un américain leur parle du beau temps et pestent contre la mauvaise réception de leur téléphone portable. Il est gros et il sue, elle est belle et hautaine. C’est la France en voyage (qui a perdu son fils).

Le film est tourné à plusieurs endroits du parc et surtout à Furnace Creek Ranch, le resort au coeur de la Death Valley où tu peux entre deux pauses photo, manger un burger, piquer une tête, faire un golf ou encore tripper dans le magasin où Isa achète sa soupe dans ce film que personne a vu ! Pour moi, impossible en faisant le Death Valley National Park, de ne pas penser à Isa et Gégé, en sueur, courant après leur fils mort dans chacun des points de vues mythiques de la Vallée de la Mort.

Évidemment le réalisateur a pas choisi le lieu par hasard, c’est dans ce genre de cadre-là que l’on peut vraiment contempler notre petitesse. C’est difficile de réaliser l’insignifiance humaine devant des constructions anciennes. Oui la Muraille de Chine, oui le Machu Picchu, oui n’importe quelle merveille du monde, mais faut bien reconnaître que ça ne sert guère notre modestie toutes ces belles merdes laissées là par des hommes. Et pour tous les français, à part ceux qui vivent dans le Massif Central, il faut aller très loin pour observer des panoramas sans traces humaines à perte de vue (ouais y a la mer mais bon).

Bon ici, il y en a pas mal des traces humaines, des routes et des parkings principalement, mais suffit de se tourner du bon côté pour les virer du cadre. On peut aussi marcher quelques minutes, trouver une petite colline, laisser la voiture loin en bas et embrasser le silence formidable de la Vallée de la Mort. Et là, alors que rien d’humain ne pollue ton champs de vision, tu peux observer des kilomètres de montagnes multicolores, figées là depuis des millions d’années, et penser à l’amplitude incalculable entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, et à toi, pauvre con, perdu quelque part sur cette échelle vertigineuse.

Cette échelle limitée à nos sens étriqués, ça donne les grains de sables sur tes baskets pour le plus petit et ces montagnes gigantesques qui moutonnent jusqu’au fond là-bas où elles disparaissent dans une dentelle bleutée. Mais entre ce petit et ce grand-là, il n’y a que toi : ben merde !

Et pis fatalement, t’entends Gérard qui beugle en sortant de Mosaic Canyon.

— Il m’a pris les mainnnnnns ! Il m’a pris les mainnnnnns et il m’a diiiiiiiiiiiiit… !

Comme seul notre Monument National à nous peut le crier à une Isabelle Huppert en larmes.

Ouais faut avoir vu le film pour vibrer, mais bon, j’ai entendu l’écho de Gégé percuter les dolomites toute la journée alors je partage.

Allez pas d’excuse (si ce n’est qu’il n’est que sur le Netflix ricain)

L’exotisme, le vrai celui qu’on recherche dans chacun de ses voyages réside pour moi dans l’inconnu. Or mes voyages étant centrés sur des endroits très connus sur lesquels je souhaite juste poser, une fois, mes propres yeux, l’inconnu n’y couvre que ce qu’on ne voit pas sur les cartes postales comme la forêt de selfie sticks devant la Joconde, la buvette hors de prix du Machu-Pichu, ou encore les daims qui t’arachent ton sac de bouffe à Nara. L’envers d’un décor mille fois documenté donc.

Mais ici, j’arrive en novice très peu informé sur les merveilles des Parcs Nationaux américains, j’en suis donc pour un double inconnu, l’envers et l’endroit. Or j’ai beau chercher la merde derrière le beau tableau dépeint dans les cadres jaunes de National Geographic, je ne trouve pour l’instant rien pour nourrir mon cynisme.

Pas de queue interminable pour rentrer dans le parc naturel, pas de poubelle débordante au milieu des panoramas, pas de clodo qui te vend le gadget du moment devant l’unique point de vue et pas tellement (mais un peu quand même) de selfie sticks. Je ne peux donc ici que retranscrire les impressions romantiques et naïves d’un observateur guère habitué à ce genre de description : l’endroit du décor.

Et ça commence par le Joshua Tree (pas qu’un album de U2 donc) ou plutôt le Joshua Tree National Park tout près de la ville de Joshua Tree, parce que tu vas en voir des Joshua trees ! C’est le seul endroit au monde d’ailleurs où tu vas en voir. Un hybride d’arbre et cactus qui décore parfaitement un terrain vague, un parc naturel ou l’allée de ta maison. C’est reposant un Joshua tree. On dirait que les branches grandissent en s’évitant comme autant de frères et sœurs malheureux. C’est comme un abre qu’aurait dessiné un tout petit : 3-4 branches trop épaisses, et les feuilles tant pis. C’est comme le chaos tranquille d’une nature paresseuse, bref c’est un très bel inconnu.

Tu vas aussi voir une « forêt » de cactus Cholla. C’est des cactus de la taille d’un petit homme recouverts d’épines longues et denses aux reflets de fourrure. Le haut à des teintes jaunes et blanches, le bas noir comme du velours. C’est pas tant la plante qui est impressionnante mais plutôt d’en voir les têtes claires à perte de vue au pied des massifs lunaires du Joshua Tree.

Tu vois aussi des ocotillos. C’est comme de grand rosier dont la plupart des piques seraient remplacés par des minuscule petite feuilles très vertes. Et sur certains, car leur floraison n’est pas saisonnière mais dépendantes des pluies, le bout des branches pointent vers le ciel de petites fleurs rouges bien trop petites pour la hauteur du machin.

Tu vas aussi voir des rochers énormes formés par des coulées de lave sous-terraines. Ils sont bien gros et bien ronds comme des gadins dessinés à la hâte dans un mauvais croquis d’architecte.

Bref, on vient de se prendre 2 jours d’inconnu naïf dans les yeux, on digère tout ça dans l’hôtel de Lost Highway aux portes de la Vallée de la Mort, et demain, on repart pour un nouvel inconnu, avec cette fois, un peu de cynisme j’espère.

Je sais bien que j’ai choisi une destination qui n’est peut-être pas l’endroit idéal pour vivre le choc politique de ces fêtes de fin d’année. Mais finalement c’est peut-être pas si pire pour réfléchir. Il faut admettre que Las Vegas nous paraît un cauchemar parce qu’elle néglige la subtilité. Toute cette merde nous saute directement à la gueule, mais faut pas croire que les concepts utilisés ici ne sont pas imités partout où on va acheter une pair de tongues.

Las Vegas te fait vivre la vie d’un riche. Avec du faux marbre, on te fait chier dans de belles toilettes, on te sert ton burger dans une assiette à initiales pour te rapprocher de cet état tant convoité. Et comme le petit garçon dans la belle auto de papa, tu lèves la tête, tu bombes le torse et tu cherches le gain en jouant ou en achetant un truc trop cher. (Comme un Perrier par exemple…)

Mais ce principe-là, moins « vlan-dans-ta-gueule » est présent dans tous les centres commerciaux du monde ! Et depuis les termes romains on a toujours construit des palaces aux cons quand on a eu besoin d’eux. Avant le Forum du Caesar Palace, il y a eu la galerie Victor Emmanuel II à Milan et les grandes gares du XIXème siècle. T’es le roi mon Maurice, achète.

Ici tu vois des gens faire la queue sous un ciel trompe-l’oeil mal éclairé pour monter dans une gondole et écouter un canotier avec des lunettes Oakley chanter les pires tubes americo-italiens.

Pour toi ça fait pas rêver, t’as vu Venise de près mais pour eux c’est exactement ça, du rêve.

On te vend du rêve ! Et cette phrase nous paraît légitime, optimiste même. On l’évoque régulièrement sans la moindre critique. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ça revient juste à ne pas évoquer de raisons concrètes pour aiguiller ton achat. Tout ce qu’on évoque ce sont de vagues espoirs façonnés en fonction de ton profil. On te vend « ton » rêve. Tu vas te sentir plus puissant, les meufs vont te respecter, tu vas avoir l’air cool, tu vas « contrôler » ton destin. Et tout ça avec un baltringue qui fait des zigzags entre des volcans ou une connasse qui coure avec un parfum dans la main.

Or mercredi on a vu pour la première fois cette technique publicitaire faire élire le président du pays des pays.

Donald a rien expliqué. Il a juste promis que ce serait mieux ! Et là où les politiciens classiques s’obligent à détailler rationnellement les applications de leur promesses au risque d’embrouiller les electeurs avec des chiffres compliqués et pas franchement convaincants, Trump a pris le parti du vendeur d’elixir Lucky Luke : Ça va être génial, un truc de dingue, on va faire tellement mieux !

Une technique publicitaire qui définit donc le destin des générations futures? Ça fait peur, et comment c’est possible ?

Ce n’est en fait que le couronnement de la marketisation de la politique, l’avènement de la stratégie maintenant communes à toutes les industries et les gouvernements.

Plutôt que de créer des produits et demander aux marketeux de définir un message pour les vendre (leur job), on laisse les marketeux concevoir eux-même des produits (vraiment pas leur job) qu’ils seront plus à même de vendre. Au final, leur métier de marketeux est plus facile, les produits sont complètement inutiles voire dangereux et ces cons-là contrôlent maintenant ta compagnie.

Il suffit maintenant de remplacer dans cette phrase les produits par des lois et les compagnies par des pays, et t’as la politique mondiale de ces dix dernières années.

Finalement je suis quand même mieux à Whisky Pete’s, qui avec son Buffalo Bill Hotel en forme de grange rouge de 15 étages et son lobby « ville western » est resté figé dans le Las Vegas des années 90. Ce Las Vegas-là te construisait une tour Eiffel et des bateaux pirates pour te faire « voyager », il te racontait une belle histoire pendant qu’il te faisait les poches, il te flattait pas comme un vendeur de bagnole, c’était un bandit honnête quoi, pas politique.

img_6605

Cadeau

C’est un truc sur la liste, la chose à faire pour pas regretter.

45 minutes avant Las Vegas, paumé en plein désert sur l’insterstate 15, et 7 mètres après que t’aies passé la frontière du Nevada (yeah! le jeu est légal!), se dresse … trois petits points, l’enseigne les vaut bien : Whiskey Pete’s !

Un complexe de 3 hôtels + monorail où les vrais crevards qui veulent s’économiser quelques kilomètres et quelques dollars en nuits d’hôtel (parce qu’en machines, t’inquiète pas pour eux) se retrouvent pour surtout pas se parler.

C’est Vegas sans le glamour, le Strip sans les néons, la lose sans hypocrites !

Alors évidemment ma fascination pour ce genre d’aimant à misère se nourrit généralement dans une période  optimiste, genre poster HOPE d’Obama.

Ces derniers jours, les évènements font qu’on a pas forcément envie de se retrouver à Narnardland à compter les casquettes rouges. Mais bon, on va pas faire l’autruche non plus. Maintenant qu’on sait qu’il en existe 59 000 000… Va falloir se résoudre à les côtoyer et quoi de mieux que le Pete pour commencer.

primmgif

 

Elle a perdu, il a gagné.

Difficile à avaler. Personne ne s’y attendait même pas Trump et ce malgré les retournements théâtraux de la dernière semaine. Même si en allant chercher mon Café « Pumkin Spice blend »  hier matin au Seven Eleven, le « Vote for Clinton » plaintif et fort accentué du gars derrière la caisse était pas rassurant.

Cette élection fait réfléchir sur nos démocraties qui à l’instar des dictatures ne garantissent pas la raison au pouvoir.

On peut hériter d’un débile et on peut aussi l’élire. La question est : comment en arrive-t-on à tolérer, souhaiter, puis choisir un incapable ?

On se congratule, on se félicite du juste état de notre régime qui ne doit sa gloire qu’à ce que l’on lui prête : la volonté du peuple.

Et mon cul ?

La seule question laissée au peuple en démocratie est le nom de ses législateurs/dirigeants et ce depuis des siècles. Si on regarde l’évolution de nos chères démocraties depuis leur introduction au 18ème siècle on ne note qu’une variable, c’est la largeur du suffrage : qui peut voter et donc élire. Les derniers membres admis étant je vous le rappelle les femmes et pour les plus chanceux, les moins de 21 ans. On parle d’ajouter les étrangers résidents, oh mon dieu mais quel progrès !

Voilà la progression démocratique depuis son introduction moderne.

Mais le spectre des responsabilités du peuple n’a pas bougé. Le peuple élit mais ne décide pas. Il ne vote pas les lois, il ne vote pas le budget, il ne vote pas l’impôt, il ne vote pas la guerre, il ne prend même pas part au débat, et ce toujours sous le même prétexte servi depuis l’ancien régime : Il n’en est pas capable.

Oui le résultat d’hier soir pourrait servir ce vieil argument. Mais le problème de nos démocraties qui ne laissent au peuple que le choix de ses dirigeants, c’est que ça le dédouane complètement,  le peuple, des actions dudit dirigeant.

— On pouvait pas savoir qu’il ferait de la merde !

Et donc quand Trump fera ce qu’il fera, et honnêtement, personne peut savoir, arrêtons d’essayer d’apporter notre logique dans le débat, il n’y pas de logique face à un évènement si nouveau, bref quand il le fera, ses électeurs n’auront plus qu’à le critiquer et s’en dissocier comme ils le feront sûrement (on l’espère).

Et voilà, on est prêt pour à nouveau élire un con dans 8 ou 12 ans, parce que bon c’était pas de notre faute les merdes de l’autre.

Si le peuple votait lui-même une seule des mesures débiles de machin, il en aurait la seule responsabilité, et ne revoterai pas la même connerie les années suivantes. C’est comme ça qu’on forge un individu et une nation, en lui permettant de faire des erreurs,  et en lui en laissant porter la responsabilité.

Ça se discute, la mise en place et la légitimité d’une telle attente, mais et là je colle un « bordel de merde » on en parle même pas.

Et pourtant est-ce normal que dans notre démocratie infaillible, l’électeur n’ait d’autres alternatives que d’aller brailler dans la rue quand une loi est votée à l’insu de sa majorité souveraine ? (Quand il vote pas pour un extreme)

Et j’insiste sur le mot souverain qu’on nous pose sur la tête comme une couronne tous les 5 ans. (Galette des Rois Astérix Leader Price, 1€).

Évidemment qu’il est lassé, « l’électeur » devant la question superflue de la gueule de celui qui décidera de tout pour lui, surtout devant la déception mille fois éprouvés à la découverte de ses motivations premières, tellement éloignées de l’intérêt de la circonscription qui l’a élue, celle où il a dû louer un petit studio à l’arrache pour obtenir sa candidature.

Et donc à la question l’autre con ou l’autre con ? Qui est le moins pire ? Vous avez 8 mois !

Ben tsè quoi je vais rester chez moi, je jouerai peut-être dans 4/5 ans. Ou alors non, je vais voter pour le pire, pour bien te la foutre dans le cul ta couronne !

Et si Donald/Marine passe ben peut-être bien qu’on remettra en question notre chère et parfaite démocratie ou plutôt le régime qui porte son nom ? Mais avions-nous besoin d’en arriver là pour réfléchir ? Est-ce qu’on avait besoin de vivre l’accident grave pour mettre notre ceinture ? En tout cas, on l’a eu l’accident. Et on attend les secours.

Car dans cette indolence politique progressent évidement ceux, qui, il faut bien le dire, s’en tamponnent un peu des valeurs démocratiques ou alors n’y ont jamais entendu que le « je fais ce que veux » cher à l’individualisme ricain.

Il y a pas de solution facile pour donner au peuple une vraie démocratie et ainsi continuer l’expérience sociale dont on a figé la progression quelques décennies après son introduction mais il peut y avoir des discutions, des expériences, des études et surtout une très saine remise en cause.

En attendant, ben merde !

Alors que tu te déplaces en Lyft (parce que Uber c’est vraiment des connards, contrairement à Lyft et leur logo rose ?) dans la seule ville du monde où ce n’est pas du tout une controverse (peut-être parce que les deux plus gros acteurs du marché payent leur taxes à San Francisco.), et pendant que le chauffeur tripote son téléphone et s’arrête régulièrement pour prendre une personne de plus, tu vois passer dans ta fenêtre les enseignes lumineuses de Twitter, Atlassian, Airbnb, Salesforce, Dropbox, Pinterest… et tu peux pas t’empêcher de faire le parallèle.

Le parallèle entre les chercheurs d’or du 19ème siècle et les méga start-up qui se payent le futur plus haut gratte-ciel de la ville (Salesforce). La différence c’est évidemment qu’on venait à San Fransisco pour trouver l’or, alors que les start-up viennent à San Francisco après l’avoir trouvé mais la conclusion c’est que l’on tombe encore dans une ville multiculturelle non seulement dans son histoire moderne mais aussi, et c’est plus rare, contemporaine !

Et évidement tout en saluant ce fameux multiculturalisme, tu peux pas t’empêcher de remarquer que dans absolument toutes ces bagnoles UberPOOL ou Lyft Line, (1 voiture sur 5, facile), 4 blancs se font conduire par 1 mexicain. Une multiculture du high-tech au sommet de laquelle trône les blancs (et certains Asio-Americains) qui depuis 4 ans ne payent plus que 7$ leurs courses de Taxi !

Alors qu’est-ce que ça fait de vivre au sommet du Mont Blanc (ahah) dans le 2 pièces coquet d’un pote célibataire ? Ben on a une drôlement belle vue sur les jolies maisons colorées de San Francisco sur les fenêtres desquelles rougeoient les rayons du soleil soir et matin ! Et derrière ces milliers de petits carreaux illuminés vivent tant de locataires payant en moyenne 3500$/mois pour 2 petites pièces. Un tapis dorés de taxes municipales de Ashbury au Golden Gate, quel panorama !

On a quand même voulu explorer les autres « peuples » attirés par San Francisco en se faisant des petits « Detours » (nouvelle startup à la mode qui te fait des audiotours sur ton iPhone géoloqué, tellement 2016 !). Le premier : les chinois et Chinatown qui forment quand même un cinquième de la population, c’est pas juste des jolies pagodes ici ! Temples boudhistes, tremblement de terre et CocoBuns yeah ! Le deuxième, la beat génération ! Bob Dylan, Kerouac, tous là dans d’étroits petit troquets à redessiner notre image du monde ! Et le troisième : les gays.

On a passé quelque heures dans le Castro à écouter un Detour raconté par Cleve Jones, un des proches d’Harvey Milk, et après avoir vu les accomplissements (difficiles) de la communauté asiat, on s’est retrouvé là au pied de ce gigantesque drapeau gay qui flotte plus fier qu’une bannière étoilée au dessus de Castro et Market Street. Ce symbole digne d’une nation qui te ramène à l’éternelle oppression passive infligées à ceux qui, même blanc, bien nés, éduqués, ne rentrent pas dans notre bon vieux moule, celui dans lequel on coince prestement nos gamins en s’écriant, soulagé : Ça rentre !

La vérité c’est que ça ne rentre pas, mais qu’à force de coups (pris), de défiance, d’organisation, et d’innombrables échecs on arrive à imposer un drapeau un peu plus haut que les autres, et si certains le remarque (ah ouais tu peux pas le louper) et s’arrête pour y reconnaître un droit d’exister ou en tout cas sa tentative, tant mieux.

Et pendant que tu réfléchis sur ce monde de négation et d’opportunité au milieux des facades multicolores de San Francisco Main Street USA, alors que tu montes ou descends lentement l’une des rues à 45 degrés de Cole Valley ou de North Beach, et que tu t’arrêtes pour observer les collines et ce brouillard qui leur glisse dessus comme la fumée d’un Beatnik, tu peux voir une volée de perroquets verts se poser dans un arbre à un mètre de toi, comme si tout d’un coup les pigeons passaient en Technicolor.

Et là tu te dis ben merde, entre une baie et un océan, San Francisco accueillent ses peuples et recrache sa brume depuis 250 ans et moi, bougre de blanc, je la découvre que maintenant.

Et bien d'autres
Et bien d'autres